Malkthur de Barmesek et Tolnian d'Aspic


Malkthur de Barmesek et Tolnian d'Aspic parvinrent de bonne heure au matin du troisième jour de leur voyage dans le hameau de Limnas, où la présence du métamorphe leur avait été révélé par la voyante Otis. Les deux chevaliers avaient mené grand train pour rejoindre le criminel, et la bague magique d'Otis avait vu son éclat augmenter d'heure en heure tandis qu'ils approchaient du but. Maintenant sa couleur tendait vers le vert, signe que le métamorphe se trouvait à moins d'une lieue de là.

Ils mirent pieds à terre dans la cour poussiéreuse d'une vaste ferme, dont le propriétaire vint les accueillir avec une déférence inquiète et une mine servile des plus répugnantes.

Malkthur explora la ferme du regard en ignorant l'habitant, puis pris la parole sur un ton souverain.

- De l'eau et du foin. Du pain, de la poularde et du vin. Un étranger est venu ici il y a quelques jours. Où est-il?

- Un étranger, Seigneurs? Le seul nouveau venu que nous ayons eu cette année est un enfant dont les parents sont morts voici un mois, et qui a quitté sa masure isolée pour nous rejoindre avec son misérable bien.

- Nous verrons cela après le manger.

Le déjeuner remonta considérablement le moral et la ventraille des deux chevaliers. Quant à la gironde fille du fermier, que le ruffiant avait vainement tenté de dissimuler, elle leur réjouit l'oeil et l'âme, et ils se promirent de lui rendre hommage avant leur départ. Puis ils apprirent qu'un adolescent était venu s'installer au hameau vingt jours auparavant, avec pour tout bagage un cheval et les hardes qu'il portait sur lui. Ses parents avaient été dévorés par un tudot.

L'histoire parut claire aux chevaliers: lors de son évasion de la place du Hérisson, le métamorphe avait volé une monture semblable à celle que leur montrait maintenant le fermier. Sans doute avait-il ensuite pris la forme d'un enfant et imaginé une légende pour expliquer sa présence ici. Les deux allèrent donc le trouver au champ.

La peur envahit son jeune et beau visage lorsqu'il les vit. Il était en sueur, et très salement vétu. Tolnian s'approcha de lui.

- Qui est-tu ?

- Je me nomme Jehan, Seigneur. J'ai perdu mes parents et me suis réfugié ici.

- Et le cheval ?

- Je l'ai trouvé, Seigneur. Je vous le jure. Près de la ferme de mon père.

- Bien.

Tolnian se tourna vers Malkthur qui approuva du chef. Il empoigna alors son sabre et d'un coup unique envoya la tête du garçon rouler dans les herbes.

Malkthur regarda le corps s'effondrer, l'air satisfait, puis sortit la bague magique et blêmit. Elle brillait du même éclat qu'auparavant. Tolnian la contemplait, incrédule.

- Mais! Si ce n'est pas lui...

Ils repartirent au galop vers la ferme, mais lorsqu'ils l'atteignirent le cheval avait disparu.