Nous venons de vivre quelques épisodes « délirant » et quelque peu stressants au monastère, comme si, à l’approche de la retraite, les forces négatives se déchaînaient contre nous. Cela a commencé presque en douceur, avec nos voleurs de santal, introduits dans le feutré de la nuit dans notre parc, nous laissant au matin désemparés devant nos arbres coupés. Deux nuits après ils revenaient, provocant les aboiements furieux des chiens. De mon balcon j’assistai au branle bas de combat. Les moines enfin réveillés courant partout avec des torches électriques pendant que Rinpoché faisait des rondes avec sa voiture autour du monastère. Les voleurs ont pu s’enfuir, laissant sur le sol deux arbres coupés. Puis il y eut la « nuit électrique », qui m’a réveillée et attirée une nouvelle fois sur mon balcon. Il pleuvait, il n’y avait plus d’électricité, juste d’étranges lueurs dans le ciel. C’était comme si un énorme spot clignotait à travers les nuages, avec au milieu des étincelles. Hélas, elles n’annonçaient pas la venue miraculeuse d’un bouddha ! Rinpoché pouvait voir de sa maison l’origine de cet étrange feu d’artifice, du à un pylone électrique qui venait de tomber dans le village voisin, produisant des étincelles et menaçant de mettre le feu aux habitations. Le court circuit nous privait d’électricité, et par conséquent d’eau puisque nos pompes ne pouvaient plus fonctionner, rendant un peu plus inconfortable notre vie monastique déjà bien précaire. Pour comble, le lendemain, la police annonça son arrivée. Car nous avons besoin d’une autorisation spéciale pour séjourner dans les territoires tibétains du Sud de l’Inde, autorisation que nous obtenons rarement pour de nombreuses raisons. Rinpoché prend donc le risque de nous héberger, quant à nous nous risquons la prison. Il nous faut donc être très discrets afin que la police indienne ne nous aperçoive pas. La population tibétaine prend soin de nous avertir de l’arrivée des forces de l’ordre. Donc ce jour là, nous avons eu la contrainte de rester enfermés dans nos chambres tout le matin, puis d’y prendre le lunch que l’on nous a amenés. Nous avons mangé à neuf dans une chambre munie de barreaux, nous avions vraiment le sentiment de l’emprisonnement. Le lendemain, deux copines et moi avons décidé de partir passer le week end à Mysore, histoire de changer notre ordinaire quelque peu mouvementé. Las, c’est juste ce jour là que le bandit Veerappan décida de faire parler de lui. En fait, nous connaissons ce bandit, sorte de Robin des Bois local, depuis quelques temps déjà. Il sévit dans la jungle des collines qui entourent le monastère. Sa spécialité est d’enlever des personnalités afin d’obtenir une rançon. L’été dernier, il a enlevé un ministre du gouvernement du Karnataka. Et dimanche, le corps sans vie du ministre Nagappa a été retrouvé dans la jungle. Outre cette triste issue, cette histoire a soulevé de gros problèmes dans toute la région. Les communistes en ont profité pour décréter une grève générale, si bien que faisant notre shopping à Mysore, nous nous sommes retrouvées prisonnières d’un magasin obligé de fermer ses portes. A peine libérées, nous nous sommes aperçues que nous n’avions plus de moyen de transport pour rentrer au monastère. Le lundi, nous avons essayé de parlementer avec les taxis qui refusaient obstinément de nous conduire dans la région du bandit Veerappan, d’ailleurs investie par d’importantes troupes de police. Nous avons néanmoins réussi à gagner Kollegal, mais la ville était comme en état de siège, plus rien ne fonctionnait, nous n’avons pas pu aller plus loin. J’ai téléphoné au monastère où la situation n’était pas mieux. En effet, les partisans de Nagappa, rendus furieux par sa mort, ont semé le trouble dans toute la région, s’attaquant aux propriétés gouvernementales, et Rinpoché craignait qu’ils ne viennent jusqu’au monastère, qui jouit d’une situation envieuse aux yeux des indiens. Bref, il avait fait fermé le monastère et enfermé les occidentaux. Il me recommandait de ne pas essayer de venir, donc nous sommes restées cloîtrées dans un hôtel de Kollegal. Finalement, mardi soir, nous avons décidé de quitter la ville, envahie par la police, nous avons pris un vieux taxi (je vous passe les péripéties), et nous avons parcouru de nuit, pour être plus discrète, les 30Km qui nous séparaient du monastère. La situation est plus calme, mais les troubles persistent. Nous avons appris que la nuit où nous sommes revenues justement, 3 policiers avaient été tués. Rinpoché était vraiment soulagé de nous voir arriver. La situation n’est pas redevenue normale, les bus ne circulent toujours pas, donc nous sommes complètement isolés, avec des problèmes de ravitaillement. Hier après-midi, nous étions en réunion dans le bureau de Dzogchen Rinpoche lorsque la police est arrivée inopinément. Grāce à la remarquable présence d’esprit de Rinpoché et de ses collaborateurs, ils ne nous ont pas vu, mais nous avons du nous cacher pendant ¾ d’heure par terre, sous les bureaux. Voila ma vie, quelque peu mouvementee en ce moment! mais le moral est bon, nous esperons que tout va se calmer d’ici peu - bien sur, vous ne racontez rien a Mamie - je vous embrasse tous tres fort - maman