Qu’est-ce qui fait bouger le Népal ? Qu’est-ce qui mobilise sa population ? Qu’est-ce qui peut bloquer la circulation dans Katmandou ?

Les partis politiques qui manifestent presque quotidiennement contre le pouvoir royal ?
Une bombe posée par les maoïstes si redoutés ?
Et bien non, vous n’y êtes pas du tout.
C’est tout simplement : LE TELEPHONE PORTABLE !

Le Népal est sous-équipé au niveau réseau téléphonique, aussi l’apparition des téléphones portables, des " mobaïles " comme on dit ici, a-t-elle provoqué un grand engouement dans la population, au point que la seule et unique compagnie distributrice de réseau s’est trouvée complètement débordée. Il fut donc décidé d’interrompre la vente des cartes à puce (cartes SIM), en attendant d’équiper le territoire de nouveaux relais. Ceci a duré des mois, pendant lesquels la vente des téléphones n’a pas faibli. Las, ces petits engins pouvaient permettre aux jeunes gens de frimer, mais en aucun cas de téléphoner.

Et soudain la nouvelle s’est répandue dans tout le pays comme un traînée de poudre : on allait distribuer des cartes à puce !

Il fallait aux heureux bénéficiaires, prouver tout d’abord qu’ils étaient népalais en produisant une pièce d’identité. Les autres, parmi lesquels les réfugiés tibétains, n’auraient pas droit à cette manne. Car des estimations faisaient ressortir qu’il y avait plus de 100 000 personnes en attente, alors que la quantité de cartes distribuées ne serait que de 30 000.

Bref, le jour venu, dès 3h du matin, les queues commencèrent à se former devant les quelques points de vente. Elle s’allongèrent sur des kilomètres durant la matinée au point de provoquer d’énormes embouteillages bloquant la ville pendant des heures.

La panique ne se calma que la nuit venue, laissant sur le trottoir les déçus qui ne s’étaient pas levés assez tôt !

Il y eut aussi les petits malins qui, déjà propriétaires d’une carte SIM, ou bien n’ayant pas de téléphone portable, se rendirent néanmoins acquéreur de ce précieux ustensile pour le revendre ensuite avec profit.

J’avais ramené 4 téléphones portables de France, inutilisables jusque là, et les efforts de Temba furent vain pour nous procurer la fameuse carte. Je dus en acheter une au marché noir, vendue 2000Rs au lieu de 1600. Depuis il y a eu inflation, les quelques rares cartes en circulation se vendent 3000Rs !

Les plus déçus sont sūrement les pauvres maoïstes, de s’apercevoir qu’un simple engin téléphonique pouvait entraîner bien plus de perturbation dans le pays que toutes leurs actions de guérilla.